Le corps dans son animalité,
la publicité,
les miroitements sensoriels de la mémoire,
la pulsation du jazz face aux ruines de la guerre,
la déambulation entre écriture, gagnant du loto et paysages américains,
l'addiction et le capitalisme,
la physique nucléaire, la vie à l'usine,
le mot, la chose et comment les restituer par la traduction,
un feuillage,
une danseuse,
un mur capitonné,
l'apparition d'une buveuse à Berlin et son portait côté pile / côté face,
une peinture panoramique bousculée par le populisme actuel,
la pitié, la maladie et le sexe,
la liberté,
la liberté de continuer.
Voici un petit aperçu de ce que vous tenez entre vos mains.
Le corps et ses expériences ?
Oui, le corps est au centre de ces pages. Sans angoisse, même si le mot Körper – corps, en allemand – nous entraîne avec ses sonorités entre le cœur, le chaos et la peur. La peur vraiment ? Ou le corps qui par son s en français dit le multiple tout en étant seul ? Cela se joue entre les langues, de l'allemand au français, et l'aventure peut se lire ainsi : nous avons un corps, il est plongé dans une époque, l'enjeu consiste à ce que ça tienne debout ou à peu près. Trouver l'équilibre. Funambulisme de la chair face au monde extérieur. Le fil est tendu, les organes ne sont pas muets, à nous de les écouter.
Pour approcher ces expériences, nous sommes allés chercher ce que les littératures de langue allemande et leur polyphonie ont à nous dire du corps. Quels corps au juste et quelles histoires entremêlées ? Nous avons lu, débattu, affiné, choisi. Ne pas se limiter à une forme, ne représenter aucune école, ni le moindre courant. Au contraire, ce sont dix voix qui incarnent autant de manière de concevoir la matière organique. Le corps est une géographie particulière. Ni duplicable, quand bien même la puissance technologique l'asservit en lui présentant tous les bienfaits de sa servitude volontaire. Ni interchangeable, dans la marchandisation perpétuelle du vivant. Mais surtout : les pages traduites ici n'apportent aucun conclusion. Le jeu est ouvert. Le coup de dés toujours disponible au hasard.
Dans les Histoires de théâtre dansé, la chorégraphe Pina Bausch, accompagnée de Raimund Hoghe et des photos d'Ulli Weiss, agit avec les corps, à Wuppertal et ailleurs, reflétant sur la scène de son imaginaire nos propres rêveries. Elle demande « une chose avec votre souffle ». Et tandis que les danseurs et les danseurs s'efforcent de rendre leur souffle visible, la chorégraphe dit en souriant : « C'est beau quand on voit vivre quelqu'un ».
Oui, faire l'expérience de son corps, de nos corps, entre la lutte, la disgrâce et la beauté.
Jean-Philippe Rossignol
Sommaire
Esther Becker Comme des gorilles
traduction par Lucie Lamy et Jeffrey Trehudic
Nico Bleutge Lacis – Belvédère – Sur la surface de verre
traduction par Bernard Banoun
Wolfgang Borchert Voici notre Manifeste
traduction par Françoise Toraille
Dorothee Elmiger New World Plaza
traduction par Camille Luscher et Marina Skalova
Annette Hug L'ordre du merle
traduction par Camille Luscher
Esther Kinsky Dire l'étrangeté
traduction par Lucie Lamy et Jean-Philippe Rossignol
Friederike Mayröcker Poèmes
traduction par Aurélie Le Née
Ulrike Ottinger Portrait d'une buveuse
traduction par Lucie Lamy
Kathrin Röggla Panorama de la guerre des Paysans
traduction par Bernard Banoun et Kai Stefan Fritsch
Ronald M. Schernikau Pitié – Continuez à baiser !
traduction par Jeffrey Trehudic
COnSEIL ÉDITORIAL
Bernard Banoun
Lucie Lamy
Françoise Toraille
Jeffrey Trehudic
Joachim Umlauf
Responsable éditorial
Jean-Philippe Rossignol